Cette enquête est « nichée » dans le programme de santé publique d’une région d’Ethiopie en grande partie rurale. Une cohorte de naissances a été formée avec un millier de singletons nés en 2005-2006.
Les mères ont été questionnées sur les infections respiratoires des enfants à 2 mois, et sur la prise de paracétamol, un wheezing (assimilé à de l’asthme) ou un eczéma à 1 an et à 3 ans. Les enfants ont bénéficié d’un examen des selles à 1 an et à 3 ans pour identifier une infestation par des nématodes transmis par le sol (ankylostomes, ascaris et trichuris).
Il y a eu relativement peu de sorties d’étude (10 % à 1 an, et 5 % de plus à 3 ans).
A 1 an, plus du tiers des enfants avaient été exposés au paracétamol, et 4 % étaient infestés par des géohelminthes.
La majorité (88,5 %) des enfants restant dans la cohorte à 1 an n’avait jamais eu de wheezing au cours de la 1ère année de vie. A 3 ans, 7,7 % des enfants indemnes à 1 an, soit environ 1 sur 13, avaient fait au moins un épisode de wheezing, autrement dit étaient devenus asthmatiques.
Il existait une association significative entre l’exposition au paracétamol au cours de la 1ère année et l’incidence de l’asthme entre 1 et 3 ans (p <0,01). Le risque d’asthme croissait avec la dose de paracétamol prise au cours du 12e mois :
- Odds Ratio ajusté=1,88 pour 1 à 3 comprimés (IC 95 % : 1,03-3,44),
- Odds Ratio ajusté=7,25 pour ≥4 comprimés (IC 95 % : 2,01-25,95).
L’ajustement sur les infections respiratoires ne réduisait que légèrement ces Odds Ratio. Le risque attribuable du wheezing à la prise de paracétamol au cours du 12ème mois était évalué à 20 %.
Les géohelminthes n’avait pas d’effet protecteur vis-à-vis de l’asthme, mais l’étude manque de puissance vu le faible taux d’infestation à 1 an.
Enfin, l’exposition au paracétamol la 1ère année et l’infestation par les géohelminthes à 1 an n’avaient pas d’influence sur l’incidence de l’eczéma entre 1 et 3 ans.
Malgré des réserves inhérentes à l’emploi de questionnaires chez des femmes en général peu instruites, cette étude devrait achever de convaincre les derniers sceptiques. Elle apporte deux arguments de poids en faveur d’un lien de cause à effet entre le paracétamol et l’asthme du nourrisson :
1) l’antériorité de la prise de paracétamol sur l’apparition du wheezing, et
2) un effet dose du paracétamol sur l’incidence du wheezing. La surveillance de la cohorte montrera ce que devient l’association au-delà de 3 ans.
Par quel enchaînement le paracétamol conduit-il à l’asthme du nourrisson ? Les auteurs rappellent que le paracétamol entraîne une déplétion de la teneur des poumons en glutathion, ce qui pourrait faire baisser les taux d’interféron alpha et d’IL-6 et favoriser la voie Th2.
Dr Jean-Marc Retbi
Amberbir A et coll. The role of acetaminophen and geohelminth infection on the incidence of wheeze and eczema. A longitudinal birth-cohort study. Am J Respir Crit Care Med 2011; 183 : 165-170