mardi 2 août 2011

Même en méditerranée, les méduses peuvent provoquer une cardiomyopathie

Paris, France — Les piqûres de méduses sont particulièrement dangereuses dans les eaux tropicales indo-pacifiques ou Atlantique, certaines espèces entraînant des accidents cardio-pulmonaires, hémolytiques et rénaux fatals. Dans l'European Hart Journal, l'équipe de R. Bianchi rapporte cependant le fait clinique insolite, inédit et dramatique d'une cardiomyopathie de stress induite par une piqure de méduse en Méditerranée [1].

Arrêt cardio-circulatoire sur la plage

Une baigneuse de 53 ans en Méditerranée, sur les côtes de Calabre, est piquée par une méduse pourpre à l'avant-bras droit. Un sentiment de panique s'empare de la nageuse qui ressent, quand elle regagne le rivage, une fatigue extrême et des démangeaisons intenses.
Elle perd connaissance sur la plage ; les témoins constatent un arrêt cardio-circulatoire ; la patiente est réanimée par les maîtres-nageurs (sauveteurs en l'occurrence), puis conduite aux urgences dans un premier hôpital.
La patiente souffre alors d'une douleur thoracique, et l'ECG montre un infarctus aigu dans le territoire antérieur. L'écho cardiaque objective un effondrement de la fraction d'éjection à 30%. Un traitement thrombolytique est immédiatement instauré sans résultat : la douleur thoracique et le sus-décalage du segment ST persistent.
La malade est transférée dans un second hôpital où une coronarographie est réalisée.
Les coronaires sont normales et la ventriculographie confirme une fraction d'éjection à 30% avec un aspect caractéristique de ballonisation apicale du ventricule gauche.
L'avant-bras droit est le siège d'une lésion typique, érythémateuse, en « coup de fouet », témoin de la piqûre de la méduse.
Après 7 jours la patiente a récupéré : elle est asymptomatique et autorisée à sortir de l'hôpital.

Des méduses célèbres pour leur toxicité

Les méduses les plus toxiques croisent dans les océans Indien et Pacifique [2].
Des noms parfois évocateurs leur sont attribués : la guêpe de mer (Chiropsalmus quadigatus), la méduse boîte (Chironex fleckeri) et l'Irukandji (Carukia barnesi).
L'Atlantique n'est pas non plus épargné, avec des méduses aux noms et effets redoutables, comme le vaisseau de guerre portugais (Physalia physalis), ou le piqueur pourpre (Pelagia noctiluca), mise en cause dans le cas clinique publié dans l'European Heart Journal, et qui se répand également dans les eaux méditerranéennes.
Ces méduses saisonnières colonisent les eaux fréquentées par les plongeurs et nageurs. Leur piqûre peut entraîner la mort en quelques heures, voire en quelques minutes. Le venin des méduses renferme en effet des enzymes (tels l'histamine, la 5Hydroxytriptamine) qui, à côté des lésions urticantes et des symptômes généraux (malaise vagal ou plus dramatique, réaction anaphylactique) peuvent provoquer des troubles cardio-circulatoires majeurs.
Ces troubles sont corrélés entre autres avec la quantité de venin ou sa toxicité. Les envenimations majeures s'accompagnent de troubles généraux sévères survenant en 2 à 4 heures.
Les arythmies semblent être la cause des décès d'après des travaux expérimentaux. Ces arythmies seraient en rapport avec la douleur et la libération massive de catécholamines ou la cardiotoxicité du venin. La piqûre de l'Irukandji, responsable du syndrome qui porte son nom, est la plus caractéristique.
A côté du traitement adapté au choc cardiogénique, à la détresse respiratoire, à l'insuffisance rénale (sans oublier le traitement local), un sérum anti venimeux (réalisé à partir de sérum de mouton) doit être utilisé dans le cas de piqûres par certaines espèces de méduses [3,4].

Toujours, tu chériras la mer - mais avec des nuances

Dans le cas rapporté par l'équipe italienne, la cardiomyopathie catécholaminergique est remarquablement mise en évidence. La cardiomyopathie est-elle due à la peur ? À la douleur ? Au venin ? Aux trois ?
C'est pour les auteurs la première fois qu'un tel accident est décrit suite à l'agression du piqueur poupre (Pelagia noctiluca) en Méditerranée, et sans la présence active des maitres-nageurs, la patiente aurait pu être un des rares cas de décès dû à une méduse sur les côtes européennes.
Une méduse responsable d'une cardiomyopathie dite « piège à poulpe » c'est effectivement une histoire d'animaux marins !
IDM à coronaires normales après piqûre de méduse
Un cas documenté d'infarctus du myocarde à coronaires normales après piqûre d'une méduse dans le Golfe Persique, a été décrit en 2003 [5]. Les données de l'ECG, de l'angiographie montraient un infarctus inférieur avec atteinte du ventricule droit, sans aspect de Tako-Tsubo.