Malgré cette apparente simplicité et des performances parfois exceptionnelles, la reconnaissance des visages constitue une activité extrêmement complexe, et qui par conséquent requiert un grand nombre de ressources du cerveau. En effet, les visages constituent des formes visuelles très semblables les unes des autres, les visages différant seulement par des détails : la forme et la couleur des traits faciaux comme les yeux, la bouche ou le nez.
La reconnaissance des visages est une activité essentielle pour la qualité de nos interactions sociales. Dans ce cadre, Bruno Rossion et son équipe étudient le comportement de personnes qui, à la suite d'un accident cérébral, ont conservé toutes leurs capacités de perception visuelle et de mémoire, mais sont en revanche incapables de reconnaître les autres par leur visage ("prosopagnosie"). Cette recherche, sélectionnée par la prestigieuse bourse européenne ERC (Conseil Européen de la Recherche), est d'autant plus importante que, jusqu'à présent, le monde scientifique n'est pas encore parvenu à comprendre les mécanismes qui permettent au cerveau de pouvoir différencier rapidement et efficacement les visages.
Cette recherche se base sur une observation simple de D. Regan, dans les années 1960. Concrètement, lorsqu'on présente des stimulations visuelles à un rythme constant au cerveau, par exemple 4X/seconde, l'activité électrique du cerveau se synchronise exactement avec ce rythme (on observe des ondes électriques sur le scalp (électroencéphalogramme)).
Cette synchronisation est extrêmement précise, pouvant permettre de séparer des réponses à une fréquence de 4,25/seconde de réponses à 4,26/seconde par exemple. Ce phénomène de synchronisation précise a été exploité dans quelques domaines de recherche. Cependant, il n'a jamais été exploité pour étudier la perception d'images complexes telles que les visages. Or, il présente deux avantages conséquents pour étudier les mécanismes de reconnaissance des visages dans le cerveau adulte, en développement, ou dans la pathologie.
Le premier avantage est dû à la grande sensibilité de la méthode et à son objectivité : on peut mesurer uniquement la réponse électrique à la fréquence précise que l'on a utilisée pour présenter cette image. On peut donc mesurer de façon rapide et objective les réponses spécifiques du cerveau à des images complexes comme des visages, et comparer ces réponses lorsque les images sont modifiées ou rendues familières par exemple.
Le deuxième avantage permet, en associant différents traits du visage à différentes fréquences (par exemple l'oeil gauche présenté 4X/seconde, le nez 5 X/seconde), de séparer les réponses du cerveau à ces différents traits et déterminer quelles sont les informations qui guident notre perception et mémoire des visages.
Enfin, en étudiant le comportement des combinaisons précises de fréquences stimulées, Bruno Rossion et ses collègues ont bon espoir de pouvoir mettre en évidence une trace objective de notre expérience perceptive des visages comme constituant un tout, un ensemble intégré de traits, et par là de percer le secret de notre expertise visuelle dans la reconnaissance d'autrui.
Source:Service Presse et Communication - Université catholique de Louvain - Isabelle Decoster, attachée de presse - www.uclouvain.be/presse - tél. : +32 10 47 88 70 - GSM +32 486 42 62 20 - email : isabelle.decoster@uclouvain.be