vendredi 16 septembre 2011

L'insomnie, une affaire de famille

Le problème pourrait avoir des assises génétiques, mais les attitudes familiales à l'égard des troubles du sommeil entreraient aussi en jeu.

La propension à l'insomnie aurait une forte composante familiale, démontre une étude présentée lundi par des chercheurs de l'Université Laval à l'occasion du 4e Congrès de l'Association mondiale pour la médecine du sommeil qui se déroulait à Québec. Les personnes provenant d'une famille qui compte au moins un insomniaque courent 67 % plus de risque de souffrir d'insomnie au cours de leur vie.

Les chercheurs Charles Morin, Mélanie LeBlanc, Hans Ivers, Josée Savard, Lynda Bélanger, de l'École de psychologie, et Chantal Mérette, de la Faculté de médecine, arrivent à ces conclusions au terme d'une étude à laquelle ont participé 3 485 personnes. Dans un premier temps, les participants devaient répondre à un questionnaire téléphonique portant sur la qualité de leur sommeil et sur la qualité du sommeil des membres de leur famille immédiate. Dans les 12 mois suivants, ils devaient remplir à trois reprises un questionnaire postal portant sur les mêmes sujets.

Les répondants étaient considérés comme insomniaques s'ils consommaient des somnifères au moins trois fois par semaine ou s'ils présentaient le tableau suivant: insatisfaction par rapport au sommeil, difficulté à mener à bien les tâches quotidiennes en raison d'un manque de sommeil et avoir éprouvé, au moins trois fois par semaine au cours du dernier mois, l'un des trois symptômes suivants: prendre plus de 30 minutes pour s'endormir, avoir des périodes d'éveil excédant 30 minutes pendant la nuit et se réveiller au moins 30 minutes avant l'heure prévue.

Les données recueillies par les chercheurs ont permis d'établir que 40 % des répondants provenaient d'une famille qui comptait au moins un insomniaque; la plupart d'entre eux avaient un proche atteint d'insomnie (76 %), mais certains en avaient deux (21 %) ou même trois (3 %). Le risque de souffrir d'insomnie augmentait en fonction du nombre de proches insomniaques: la hausse était respectivement de 37 %, 250 % et 314 % pour un, deux ou trois proches atteints d'insomnie.

Un certain nombre de sujets, qui étaient de bons dormeurs, ont souffert pour la première fois de problèmes de sommeil pendant le suivi de 12 mois. Le risque que ce premier épisode d'insomnie survienne était 28 % plus élevé chez les répondants provenant de famille comptant au moins un insomniaque. Enfin, le risque que l'insomnie persiste pendant toute la période de suivi augmentait en fonction du nombre de proches atteints d'insomnie. La hausse était de 34 % chez les répondants qui avaient un proche insomniaque, 200 % chez ceux qui en avaient deux et 360 % chez ceux qui avaient en trois.

"Il y a sans doute une composante génétique derrière cette agrégation familiale de l'insomnie, estime le responsable de l'étude, Charles Morin. Par contre, on ne sait pas si le mécanisme en cause est un processus physiologique qui interfère avec le sommeil ou une prédisposition à l'anxiété." Certaines attitudes à l'égard de l'insomnie, transmises par les membres de la famille, pourraient aussi entrer en ligne de compte, ajoute le chercheur. "Lorsqu'on voit un membre de notre famille réagir très fortement à un épisode d'insomnie, il se peut que nous ayons la même réaction lorsque nous devons à notre tour faire face à ce problème. Ce genre de comportements peut transformer une insomnie situationnelle en insomnie chronique."

Les conclusions de cette étude suggèrent qu'une intervention psychologique précoce pourrait être bénéfique aux personnes provenant de familles où l'insomnie chronique sévit. Verra-t-on bientôt apparaître des thérapies familiales contre l'insomnie ? "Nous ne sommes pas encore rendus là, mais ça pourrait venir un jour", croit le professeur Morin.
Source: Jean Hamann - Université Laval