Un virus H5N1 vu au miscroscope. Les premières victimes humaines de ce virus hautement pathogène ont été recensées en 1997, après un contact direct avec des volatiles infectés. |
La crainte de voir des scientifiques mettre au point un virus susceptible de décimer des populations entières est récurrente. La dernière manifestation en date concerne un virus dérivé du H5N1 responsable de la grippe aviaire. Créé en toute légalité par des chercheurs de Rotterdam aux Pays-Bas, ce nouveau virus est redoutable. Comme la souche H5N1 hautement pathogène dont il est issu, il pourrait tuer près de la moitié des personnes infectées. Le H5N1 qui circule actuellement touche essentiellement des oiseaux et rarement les humains, qui ne peuvent pour l'instant se le transmettre entre eux. Mais Ron Fouchier et son équipe sont parvenus à modifier le génome du virus connu pour le rendre transmissible d'homme à homme par simple proximité avec un malade. L'expérience a été conduite sur des furets, les animaux qui reproduisent le plus précisément la réaction de l'organisme humain face à la grippe.
Présentée en septembre à Malte lors d'une conférence, cette étude a été soumise à la prestigieuse revue scientifique Science pour publication. Mais l'avis du NSABB américain, un comité scientifique consultatif sur la biosécurité, a été sollicité. Faut-il interdire la diffusion de ce qui ressemble à un mode d'emploi pour créer ce virus extrêmement dangereux, pouvant potentiellement tuer des millions de personnes ? Oui, ont répondu les membres de cette instance, dont l'avis n'est toutefois pas contraignant. «Les bénéfices de cette publication ne surpassent pas le danger que représente le fait de révéler comment reproduire ce virus», a expliqué au New Scientist l'un des membres du NSABB, Thomas Ingelsby, du centre de biosécurité de l'université de Pittsburgh en Pennsylvanie.
«Un des virus les plus dangereux qu'on puisse fabriquer»
Même si Ron Fouchier se refuse à commenter ses résultats tant que le comité de lecture de Science n'aura pas rendu sa décision, on sait depuis sa présentation à Malte comment il est parvenu à ce virus inédit. Ayant échoué à modifier directement le génome de l'organisme, le chercheur de l'Erasmus Medical Center a opté pour une méthode plus longue. Il a inoculé le H5N1 à des furets, qui se sont reproduits sur 10 générations. Au fur et à mesure des naissances, le virus s'est adapté à son nouvel hôte jusqu'à présenter à lui seul 5 mutations génétiques observées jusque là séparément dans la nature. Résultat : le virus était devenu transmissible par voies respiratoires.
De l'aveu de Ron Fouchier, interviewé par le magazine Science Insider, «il s'agit probablement de l'un des virus les plus dangereux que l'on puisse fabriquer».
Pour Thomas Ingelsby du NSABB, le risque réside dans la récupération de cette arme biologique potentielle par des bioterroristes ou des Etats voyous, mais surtout, que sa manipulation par un nombre accru de scientifiques débouche sur sa libération à l'extérieur des milieux sécurisés des laboratoires.
D'autres experts spécialistes de ce genre de virus estiment que le risque est surestimé. «Il est bien plus probable de voir un virus très pathogène de la grippe se développer par mutations spontanées, qu'en résultat de manipulations humaines», a ainsi confié Peter Palese, de la faculté de médecine de Mount Sinai à New York, à Science Insider.
Ron Fouchier a indiqué lors de sa conférence de septembre que son expérience avait reçu l'approbation des autorités sanitaires néerlandaises et l'appui d'experts internationaux avant son lancement, et qu'aucun n'avait suggéré que les résultats ne devraient pas être publiés. Selon lui, le nouveau virus permet de connaître les mutations les plus dangereuses et de les traquer avec plus d'attention lors d'épidémies chez les animaux.
Pour Michael Osterholm, directeur du centre des maladies infectieuses à l'université du Minnesota et membre du NSABB, ces recherches ont le mérite d'alerter sur les risques liés au H5N1, qui n'a fait que peu de victimes humaines jusqu'à présent environ 600 depuisle début en 2003 de l'épidémie touchant les volatiles sauvages et d'élevage. Il estime qu'il devrait être possible de publier l'étude néerlandaise en omettant certains détails clés.
Source: lefigaro