Le cancer du sein frappera une femme sur huit au cours de son existence. C'est le cancer féminin le plus fréquent. Le nombre de cas ne fait que s'accroître sous l'effet de plusieurs facteurs, notamment l'alimentation, la sédentarité et le vieillissement de la population. Pourra-t-on un jour mettre au point un vaccin qui empêche cette maladie si fréquente d'apparaître? On en est encore loin. Mais des scientifiques américains du Centre de lutte contre le cancer de la Mayo Clinic de l'Arizona travaillent, eux, sur un vaccin thérapeutique qui inciterait l'organisme à produire des anticorps dirigés contre les cellules cancéreuses, et elles seules. Ils ont mis au point un protocole, testé chez la souris, qui a permis de réduire de 80% le volume de tumeurs mammaires. Leurs résultats très intéressants, publiés lundi dans la revue de l'Académie américaine des sciences (PNAS), ouvrent une nouvelle approche prometteuse, mais qui reste à tester chez l'être humain.
Pendant des décennies, les chercheurs se sont demandé comment faire pour que le système immunitaire reconnaisse les différences entre les cellules normales et cancéreuses, de manière à l'inciter, par un vaccin par exemple, à détruire les cancéreuses, et elles seules. À ce jour, l'organisme n'est pas capable de distinguer les tissus normaux du cancer et ne manifeste donc aucun rejet spontané à son égard. Or, récemment, des chercheurs ont découvert que quand des cellules deviennent cancéreuses, les hydrates de carbone à la surface de certaines protéines cellulaires présentent des différences avec ceux des cellules saines. Ce sont ces microscopiques différences qui sont à la base du vaccin contre le cancer du sein mis au point par les chercheurs de la Mayo Clinic.
Ils se sont penchés sur des souris qui développent facilement des cancers mammaires et qui surexpriment une protéine MUC1 à la surface de leurs cellules (comme c'est le cas pour beaucoup de cancers du sein de la femme). À cette protéine est associé un groupe d'hydrates de carbone spécifiques, distincts de ceux de cellules saines.
À partir de là, les chercheurs ont construit un vaccin relativement simple. Complètement synthétique, il comprend trois composants: un facteur stimulant le système immunitaire (utilisé comme adjuvant), un facteur capable de doper spécifiquement la production de cellules T (tueuses contre le cancer) et un peptide qui cible la réaction immunitaire contre les cellules portant la protéine MUC1 associée aux hydrates de carbone spécifiques du cancer du sein.
«Ce vaccin injecté à des souris atteintes d'une tumeur mammaire a entraîné une très importante réaction immunitaire, raconte un des coauteurs de ce travail, Geert-Jan Boons, qui a été capable d'activer trois composantes du système immunitaire pour réduire de 80 % la taille de la tumeur.»
«C'est la première fois qu'un vaccin est développé pour entraîner le système immunitaire à distinguer et tuer les cellules cancéreuses grâce aux structures d'hydrates de carbone sur la protéine MUC1», estime Sarah Gendler, coauteur de cette recherche.
Selon l'Institut américain du cancer, cette protéine est l'une des plus importantes pour la mise au point de vaccin anticancer. Elle est retrouvée sur les cellules du cancer du sein, mais aussi dans d'autres localisations, pancréas, ovaires… Ainsi, MUC1 serait surexprimé chez 90 % des patientes atteintes de cancer du sein dits «triple négatif» et qui résistent au traitement hormonal et à d'autres médicaments.
Les chercheurs continuent à tester ce vaccin sur divers modèles expérimentaux. Ils envisagent de le tester à court terme sur des malades. «Avec l'idée, précise le professeur Boons, que, combinée au dépistage précoce, cette approche pourra transformer la prise en charge de cette maladie.»
Pour l'instant, cette stratégie est de l'ordre de la recherche pure. D'autres protocoles visant à mettre en place un vaccin thérapeutique contre le cancer du sein ont échoué. L'avenir dira le reste.
Source: lefigaro