jeudi 22 mars 2012

Trois jours pour traiter les kératoses actiniques avec le mébutate d’ingénol



La possible évolution des kératoses actiniques (KA) en carcinomes épidermoïde cutané justifie la destruction de ces lésions qui sont très fréquentes notamment sur les zones photoexposées. Plusieurs options thérapeutiques sont possibles, au premier rang desquelles la cryothérapie mais aussi la chirurgie et plus rarement le laser ou encore l’électrocoagulation. Elles ont l’inconvénient de ne pas empêcher un taux élevé de récidives et d’exposer à des cicatrices. Des traitements topiques sont également proposés, dont certains relativement récents à base de 5 fluoro-uracile, d’imiquimod, de diclofénac et de photothérapie dynamique. Leur avantage est de pouvoir traiter « le champ de cancérisation », c'est-à-dire une zone plus large autour de la ou des kératoses actiniques, zone où il a été montré qu’il existait des lésions infra-cliniques, non visibles, à l’origine des récidives. En revanche, ils sont contraignants (longues durées d’application, phénomènes locaux inflammatoires marqués) ce qui limite la compliance et donc leur efficacité.

Un principe actif d'origine botanique

L’espoir de disposer d’un traitement des kératoses actiniques efficace, bien toléré et facile à appliquer pourrait se concrétiser avec l’arrivée du mébutate d’ingénol. Il a été observé dans des études précliniques que ce principe actif, dérivé d’une plante commune, l’Euphorbia peplus induit une mort cellulaire directe et rapide et une réponse immune médiée par l’activation de la protéine kinase C, pouvant provoquer la disparition de lésions tumorales.
L’efficacité de l’application de courte durée d’un gel de mébutate d’ingénol dans le traitement des kératoses actiniques a été évaluée dans 4 études multicentriques randomisées en double aveugle contre placebo. Pour être inclus les patients devaient avoir plus de 18 ans et présenter de 4 à 6 KA visibles sur une zone de 25 cm2 de la face, du cuir chevelu, du tronc ou des extrémités. Le gel à 0,015 % de mébutate d’Igonélol ou un placebo a été appliqué pendant 3 jours consécutifs sur ces zones cibles au niveau céphalique et le gel à 0,05 % ou un placebo pendant 2 jours consécutifs dans les autres localisations.
Le principal critère de jugement était la disparition complète des KA visibles sur la zone d’application à J 57.

Les kératoses disparaissent dans 34 à 42 % des cas

L’analyse poolée des résultats des essais montre que pour le visage et le cuir chevelu le taux de résolution complète des lésions est, avec le gel de mébutate d’ingénol, de 42,2 % vs 3,7 % avec le placebo (p<0,001) et pour les kératoses du tronc et des extrémités de 34,1 % vs 4,7 % (p<0,001). L’importance des réactions locales a été quantifiée à l’aide d’une échelle cotant de 0 à 4 en fonction de la sévérité, 6 types de réactions : érythème, desquamation, croûtes, œdème, vésicules/pustules, érosion/ulcération. Le score, sur cette échelle, a culminé en moyenne à 9,1 ± 4,1 au 4e jour pour les lésions céphaliques et à 6,8 ± 3,5 pour les autres localisations, puis a diminué rapidement en 8 jours pour revenir au score de base en 29 jours.
Les taux de réponse obtenus avec le mébutate d’ingénol sont comparables à ceux procurés par les autres traitements topiques : diclofénac (50 % de résolution avec 2 applications par jour pendant 90 jours), imiquimod 5 % (45,1 % avec 2 applications par semaine pendant 16 semaines) ou encore crème au flurorouracile 0,5 % (47,5 % avec 1 application par jour pendant 4 semaine).
Cependant, on ne peut que remarquer que pour une efficacité similaire, le traitement par mébutate d’ingénol ne réclame que 3 applications sur 3 jours consécutifs et que les effets secondaires restent modérés et rapidement résolutifs.
Ceci est bien sûr un gage de bonne adhésion au traitement.
Mais il reste à évaluer les résultats à long terme de cette approche et l’effet et la tolérance d'applications sur des zones plus étendues et répétées dans le temps.


Dr Marie-Line Barbet

Lebwohl M et coll. : Ingenol mebutate gel for actinic keratosis. N Engl J Med., 2012 ; 366 : 1010-9