La protéine Tau est présente naturellement dans le cerveau et nécessaire à son fonctionnement mais des mécanismes pathologiques peuvent modifier sa structure et provoquer son agrégation. Cela entraîne une destruction des neurones et leur dégénérescence. Près de 80 % des démences sont liées à ce phénomène, notamment la maladie d’Alzheimer. On les appelle les tauopathies.
Eliminer la protéine Tau
A ce titre, une équipe de l’Inserm a cherché à développer un vaccin contre la forme malade de la protéineTau. Pour cela, les chercheurs ont identifié une courte séquence présente uniquement sur la protéine malade et ont fabriqué un petit peptide identique en tous points à cette séquence. Ils l’ont ensuite injecté chez des souris. L’objectif était de stimuler le système immunitaire contre ce peptide afin qu’il aille ensuite s’attaquer aux protéines Tau malades dans le cerveau qui portent le même signal. "En sélectionnant une séquence présente uniquement sur la forme pathologique de Tau, nous voulions absolument épargner les protéines saines. Certains essais de vaccination dirigée contre la protéine Tau en général ont en effet conduit à des catastrophes chez la souris", explique Luc Buée, co-auteur des travaux (Unité Inserm 837).
Une vaccination au stade précoce
Pour cela, les chercheurs ont travaillé sur des souris transgéniques qui développent une tauopathie avec agrégation de protéines Tau ainsi qu’une dégénérescence neuronale associée à une perte de mémoire. Ils ont injecté leur peptide dès l’âge de 3 mois, à raison de deux injections à quinze jours d’intervalle puis une injection mensuelle pendant 4 mois. Ils ont ensuite comparé les effets de la vaccination avec des souris transgéniques non vaccinées. "Les premiers signes de la maladie surviennent dès l’âge de trois mois et atteignent leur apogée vers six- sept mois. Nous avons donc vacciné nos souris à un stade précoce de la démence et observé les effets au moment du pic de celle-ci", précise Luc Buée.
La mémoire à court terme conservée
Les chercheurs ont évalué la mémoire à court terme de tous ces animaux grâce au test du labyrinthe en Y. « Les souris explorent une première fois pendant 5 minutes un labyrinthe en Y muni de repères visuels mais dont l’un des bras est fermé. Après un court repos, les animaux sont replacés dans le même labyrinthe où le bras précédemment fermé est rendu accessible. Un comportement normal chez la souris la pousse à explorer ce nouveau bras », décrit Luc Buée. Or, il observe que les souris malades non vaccinées ne se souviennent pas des repères et passent autant de temps dans l’ancien bras que le nouveau alors que les souris vaccinées se comportent comme des souris saines. « Les rongeurs traités ont conservé une bonne mémoire à court terme et ce bénéfice s’explique au niveau biologique par la réduction de la concentration de protéines Tau malades dans leur cerveau », se réjouit-il.
Une stratégie thérapeutique complémentaire
Ces résultats montrent que la vaccination contre la protéine Tau pathologique est possible sans représenter pour autant une "solution miracle". "L’agrégation des protéines Tau est l’un des mécanismes de la maladie d’Alzheimer mais il y en a d’autres, notamment la formation de plaques amyloïdes. A terme, la lutte contre cette maladie reposera certainement sur une combinaison de traitements symptomatiques et spécifiquement orientés contre les lésions, grâce à une double vaccination contre les protéines Tau et les peptides bêta amyloïdes", conclut-il.
Source
Troquier et coll. "Targeting phospho-Ser422 by active Tau immunotherapy in the THY-Tau22 mouse model: a suitable therapeutic approach Running title: Active Tau immunotherapy"
Curr Alzheimer Res. 2012 Jan 23